A quinze ans, elle fugua. Avec l’argent volé à son père, elle prit un ticket de bus pour Los Angeles. A quinze ans et trois mois, elle se retrouva à la rue, seule. Elle s’installait le soir sur la plage pour écouter le bruit des vagues qui se cassaient sur le rivage. Jamais elle ne regrettait les terres arides du Texas. A quinze ans et cinq mois, alors qu’elle servait un Cola, il la regarda. C’était la première fois qu’un homme, autre que son daddy, la dévisageait de la sorte. A quinze ans et six mois, elle faisait les courses, la lessive et la cuisine en attendant le retour de son bel et tendre. A quinze ans et huit mois, elle le quitta. A seize ans, sa bouche pulpeuse et son brushing extravaguant lui rapportèrent le jackpot. Elle faisait la une de Playboy. On l’appelait Dollar Baby.
Month: May 2017
Clap de fin
Le soleil à l’azur, l’horloge sonna le midi. La cloche de l’église aussi. Ils avaient fermé les rideaux de la chambre mais un filet de lumière leur avait échappé pour éclairer le visage de la dame allongée sur le lit. Peut-être avaient-ils peur que cette lumière ne la fasse plus vieille qu’elle ne l’était déjà.
De son oreiller, elle pouvait encore entendre la télévision allumée dans le salon. Elle reconnaissait Hercule Poirot, sur France 2. C’était la scène finale, la scène de vérité. Il rappelait comment tous étaient suspects quand un seul était coupable. C’était le cousin germain qui avait assassiné la tante, froidement. Une sombre histoire d’héritage.
Le détective quitta la pièce, remit sa moustache en place et sourit à la caméra. Personne ne résiste aux petites cellules grises d’Hercule Poirot ! Clap de fin. Elle ferma les yeux. Elle pouvait mourir en paix.
Princesse
Amour
Madame
Madame se réveilla
Mariée, deux enfants
Un chat birman
Et un acacia
Elle se lava le visage
Se regarda dans le miroir
Vit une femme sans rage
Résignée à ne plus croire
L’amour, un mythe d’une autre ère
La liberté, une chimère
Monsieur quitta la couche
La frôla de son bras
Peu sûr de ses pas
Et rejoignit la douche
Elle suivait du regard
Ses mouvements hagards
Avant de fixer
Ses fesses momifiées
Désir, désir, où es-tu ?
M’entends-tu ?
Arsenic, strychnine, huile de ricin ?
Dans son café du matin,
À midi dans le gratin,
Ou au goûter, dans son pralin ?
Que choisir
Pour en finir
Les cris des enfants la rappelèrent
À son train-train mortifère
Aujourd’hui, ce sera école, devoirs et bain
Pour le reste, elle verra demain
Misérables vertus
Petit Gervais a perdu sa pièce
Jean Valjean a perdu son pain
Mais aucun n’a perdu sa dignité
Fantine a perdu ses dents
Cosette a perdu sa mère
Mais aucune n’a perdu son coeur
Gavroche a perdu la vie
Jean Valjean a perdu Cosette
Mais aucun n’a perdu son courage
Vertus des pauvres
Biens rares des riches